En novembre dernier, Paris a été le théâtre d’un festival d’un tout nouveau genre. S’y tenait en effet des tables rondes, expo et spectacles autour du travail du sexe à Paris. Une initiative originale qui permettait à toutes celles et ceux qui évoluent dans ce milieu de faire entendre leur voix. Et d’instaurer un dialogue avec la société civile et les pouvoirs publics.
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Une première en France
Pour la première fois en France était organisé un festival autour des travailleurs du sexe. Pendant 3 jours, on a donc débattu de prostitution, de pronographie, mais aussi d’escorting et de camshow. Plusieurs tables rondes ont été organisées, ainsi que des expositions et des spectacles ouverts au grand public.
Si la démarche était artistique, dans sa forme, le message qu’elle portait était avant tout politique. EN effet, depuis le passage de la loi sur la prostitution (qui pénalise le client), et quelques temps seulement avant la mort de la prostituée transgenre Vanessa Campos, le climat autour du travail du sexe était plutôt tendu.
En effet, selon les associations spécialisées dans la défense des travailleurs du sexe, la pénalisation des clients les punit de manière indirecte. Leurs conditions de travail se sont en effet précarisées et de plus en plus de prostitués sont obligés d’accepter des rapports sans protection, à des tarifs moins élevés, et dans des lieux éloignés pour éviter la police.
Les répercussions sur leur santé mentale sont également importantes. En effet, la législation autour de la prostitution a eu tendance à les stigmatiser, et à les isoler du reste de la société. Ainsi, même si le racolage n’est plus un délit, de nombreuses mairies prennent des arrêtés qui sous couvert de restaurer la tranquillité publique, font migrer les travailleurs du sexe en périphérie des centres villes comme au bois de Boulogne.
Redonner la parole aux travailleurs du sexe
Le festival Snap ! Avait donc pour but de permettre aux travailleurs du sexe de reprendre la parole. En effet, même au moment des débats sur la prostitution, on entendait très peu de prostitués, mais plutôt des experts qui militaient… pour son abolition.
Ce festival permet donc aux travailleurs et travailleuses du sexe de s’exprimer librement sur leurs conditions de travail, leur motivations, et leur existence en tant que profession à part entière. Le but était de représenter tout le monde : aussi bien les personnes issues de l’immigration (légale ou illégale, les TDS transgenre, séropositifs, LGBT, etc.
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En finir avec les préjugés
Cette prise de parole permise par le festival Snaps ! Était surtout l’occasion de prouver que les raisons qui poussent à se prostituer et les réalités des TDS sont multiples et complexes. En particulier aux personnes qui ne côtoient pas ce milieu ou qui ont des préjugés à son sujet.
Selon Daniel Hellman, un TDS suisse qui a participé à l’évènement, c’est justement en faisant se rencontrer ses profils divers qu’il est possible de déconstruire les préjugés. Dans son spectacle, Full Service, il propose à l’audience de le payer pour réaliser différents services, qui seront exécutés sur scène. Cela peut aller de la préparation d’un repas à un acte sexuel oral. Le but : montrer que l’acceptation de ce qu’il est possible de payer ou non peut changer d’une personne à l’autre. Et qu’il y a autant de raison de vouloir échanger un rapport sexuel contre de l’argent que de personne.
Ces discussions permettent aussi et avant tout de montrer le flou qui persiste encore autour du travail sexuel. En effet, on peut lui trouver des justifications morales ou thérapeutiques
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Résister par l’art
Mais la force de ce festival est avant tout de donner aux travailleurs du sexe le moyen de s’exprimer de manière artistique. En effet, le but n’était pas de discuter de manière interminable, et théorique, de la réalité des TDS, mais avant tout de leur donner différents médiums (cinéma, musique, danse, théâtre) de s’ouvrir aux autres et de donner à voir la réalité de leur métier.
Beaucoup d’oeuvres courageuses et subversives ont été montré à l’occasion. Des œuvres collectives qui ont été pour de nombreux travailleurs du sexe, isolés dans la pratique de leur métier, de se réunir et de s’exprimer ensemble.
Selon Giovana Rincon, qui a inauguré l’événement, la résilience à travers l’art est encore le meilleur moyen de retourner le stigmate. Et d’en faire une force. Une nécessité d’autant plus forte au regard du durcissement du discours politique à l’égard de la prostitution à travers le monde. Et notamment au Brésil, où les prises de position raciste, homophobe et misogyne de la part du nouveau président, Jair Bolsonaro, donnent de bonnes raisons aux TDS de craindre pour leur avenir.